11.9.10

le désir l'autre

Entre. Difficile de ne pas exister pour toi. Je suis au bord de fendre, me volatiliser. Je ne veux pas de ce mirage amoureux. Tu m’entends. Je capte le risque de l’ombre, de la vision, du dévoilement. Disparaître est impossible maintenant. Un mot, un seul mot. Viens. Répands-toi dans ma bouche.

Le silence est devenu trop bruyant. Je veux le rompre. Je tinte. J’aime le bruit de la vaisselle qui casse. Peut-on se briser sans tomber. Se réparer en chute. Naître en douceur et ne jamais ce rendre à l’impact fatal.

Je veux cueillir ta vie, gouter ton sel, m’abreuver de notre accord, te laisser être en moi, que tu saches. N’être plus seulement si. Surtout pas. Aimer est sans limite prescriptive. Être heureux. Qui. Pourrait refuser.

10.9.10

sur le seuil de disparaître

Je rejoue la dernière scène. Je pars, je ne reviendrai plus avant longtemps. Pas là. Pas comme ça. Je repasse la finale. Je carbure à une mort qui ne m’appartient pas. Je ne te pense plus. La pensée émerge quand rien ne va plus. Seulement. Cette fois. Rien ne ce passera comme prévu. La vie est peuplée de dernières fois.

Je ne veux pas de cette fin, pas aussi vite et brusque. Non. Chaque seconde s’éternise. Le silence s’impossible, vit de nous, craque d’hier. Je ne me demande pas. Le présent est complet. Sauf. Par moment de mémoire gruyère. Partielle. Je ne sais pas ressentir le futur, seulement la coupure. Moi. Qui. Ne croyait contenir. Que du bonheur. Me voilà mouillée de cette mémoire imparfaite.

Impossible de partir sans rien dire. Ça ne se fait pas. Non. Je ne veux pas que tu viennes me reconduire. J’aimerais disparaître sans que tu le saches. Reprendre en main le destin de me cueillir, programmer la perte, courir vite et m’envoler.

Il y a un trou dans le ciel. C’est par là que tu passes pour venir me hanter, me dire de cesser de pleurer. Ce sont des inventions de petite fille ? Je ne veux pas mourir. Ceux qui meurent ne meurent jamais. La mort est un leurre. Oui. Seule. Je l’apprivoise. Je lui dis comment disparaître, comment je veux danser. Pas à pas de deux et de quatre, vers la première et la dernière perte. J’avance immobile. Je découvre les contrastes. Je défige et me défais. Mourir n’est plus souffrir. Je cours. J’ai froid. Je sais. Nous allons recommencer à vivre, différemment. Danser. Surtout ça. Danser.

9.9.10

la maison dévêtue

Tu as de l’or au cœur. Je m’ouvre à toi, démantèle les habitudes. Abandonnés au jeu d’outremer. Tard le jour. J’entends le signe de la branche, le fruit du vent.
La nuit s’infiltre dans mes bas. Le flamenco trépasse. Le camping se sauve. La rivière raconte les rêves des poissons. Je cueille tes mains.

Je ne te dis pas l’attirance. Je suis à l’altitude où l’abandon se moque gentiment du désir. J’enroule un baiser sur ton dos, je me mêle à tes rondes. Défaisons l’amour et le bruit, le sport et les jeux de fauves. Réveille-moi silencieusement. Avant l’heure qui empoisonne, je veillerai sur ta respiration.

Évoquant l’équilibre. Tu prépare l’évasion de l’oiseau. Je lave un songe matinal. Près du corps, nous n’aurons plus de repaire. Tout à l’heure tu partiras. C’était prévu depuis longtemps. J’avais presque oublié. C’est aujourd’hui. Le jour zéro. Le début de cette autre chose, cette nouvelle vie. Tes pas sur le plancher. Tu tournes autour du mot. Ce mot. Silencieux. Que nous. N’osons pas. Prononcer.

8.9.10

à ton œil intérieur

te recevoir
à l’aviron de nos ventres canoës
se rendre à l’abandon
aux profondeurs du sentiment d’aimer

le présent immobile vivifie le désir de me lier
tes vents m’appellent
tu veux partager mon abri sucré
te retrouver
majestueux et flamboyant
et être
attirée
à l'aube passagère de tes blessures

accueillons notre désir
le temps que brûle l’encan
au centre
touchés
j’apparais en crescendo
ton rire tard
détendu
entre à mes hanches 
allonge les amants

7.9.10

l'aurore scénique

Des grandes bourrasques et des lueurs inhabituelles, des pieds de vents condensés, modèlent le paysage changeant que je parcours sans bouger. Une grande flèche orange sépare le ciel en deux. Il y a la  rumeur des montagnes. Nous nous taisons.

Le fleuve à des yeux, ce sont des îles qui dansent. Tu plantes tes mains dans le sable bleu. Nos corps étagés, couvertures sous le soleil près des falaises accostés, voyagent au ralentit. Suspension. Les récifs ? L’éternité. Déplacer nos rêves? Nous ne connaissons pas encore la suite. Le temps s’arrête presque. Nous n’attendons pas qu’il se passe quelque chose. Non. Après maintenant ? Impossible. Rien ne peut être construit sur la fragilité. Je veux être une oie et me poser sur le dos des vagues, honorer la beauté du paysage fidèle.

Le soleil disparait derrière les montagnes brumes. Ensommeillées. Ses reflets, sur l’eau du fleuve volatile, inhibe son mirage. Les oiseaux soulèvent leurs corps criants. La marée s’étend depuis la fin de l’après-midi. Le vent est trop fort. Une route et revenir de la plage sauvage. Se baigner au fond de la théière et retrouver notre vieille Japonaise. Celle qui raconte des histoires dont nous ne saisissons que la fin.

6.9.10

le regard du geste

Sur le sol de la chambre verte s’apaise le conte que je t’ai murmuré et traînent les peaux des oranges que nous avons partagés. Leurs odeurs apaisent nos autres sens. Tu veux me jouer ton ouverture; je l’écoute, elle n’a pas encore de nom. Tes mains fluides se promènent sur les notes. Ces accords lents dévoilent la peau de ton âme.

Je m’élance vers ta joie et danse sur la tonicité d’un fa. J’arrondis les doubles-croches, j’ajoute des silences. Porteuse d’échappées, de notes microcosmiques, phrasée de bonds, ondulée par ta géographie intime, je reçois des minuscules signes qui s’échappent de toi, l’homme à plumes. Je me révèle soie, brodée, près. Je t’insuffle la paix. Tu t’exclames.

5.9.10

acte en pièce

Je n’ai pas peur. Tu me montre une face cachée de toi. J’aimerais poursuivre après ta bouche, descendre vers tes racines intérieures, m’enrober à ton paysage. Le vent expire. Il se réverbère, sort, entre, monte, descend. Les mots se respirent. Je ne supporte plus la robe. Il fait trop chaud. Je veux du vent. Tu veux que nous répétions l’entrée, que mon bonheur réconforte ta révolte.

À l’ombre de la terre blanche et noire, tu révèles des silences que j’entends. Tu approches plus près. Nous sommes habités par ce désir. Je me penche vers toi. Nos regards se frôlent. À distance, nous ne nous pensons plus. Ce que nous voyons à travers nos paupières fermées. Ce n’est pas une photo. Ça bouge et c’est vrai. Il y a des veinures rouges, jaunes, fluides, transparentes.

Tu es arbre et racines. Inspiration. Entre et ne sort pas. Restons sages. Nos langues sur ces fruits rouges, gloires du matin, mélodie de l’aube, rosée, naissance des champignons, ce volcan fabuleux étreint de roses bleues, fabriquent une nouvelle géographie.